L’arbitrage d’hier à aujourd’hui
Années 80 : le premier âge d'or de l'arbitrage françaisLe contexte du début des années 80 est celui d’une forte médiatisation du football et de ses arbitres. L’arrivée du groupe Canal +, avec le lancement de sa chaîne cryptée le 4 novembre 1984, est déterminante et emblématique dans cette « révolution » du sport et du football à la télévision. Dans ce contexte de médiatisation toujours plus forte des directeurs de jeu, les instances françaises de l’arbitrage poursuivent une rationalisation de l’administration et des pratiques de ses hommes en noir d’élite.
VAUTROT. Médiathèque FFF
La période est marquée ainsi par le passage d’une évaluation globale de l’arbitre vers une évaluation critériée et codifiée. Cette nouvelle catégorisation permet de cibler les caractéristiques recherchées chez les hommes en noir, mais aussi d’uniformiser les rapports. À partir de la saison 1980-1981, les rapports des contrôleurs (qui commencent par ailleurs à être formés par la CCA) sont ainsi plus conséquents, uniformes et présentent différents critères : présentation - difficulté du match - condition physique - interprétation et application des lois du jeu - accomplissement des devoirs de l’arbitre - contrôle du match. C’est dans le même sens qu’est mis en place, en 1980, un système de rétrogradation des arbitres, pour permettre une promotion plus rigoureuse. Auparavant, les déclassements d’arbitres étaient rares. Ce fonctionnement limitait logiquement le nombre de promotions. Cette politique autorise alors les « promotions éclairs » de jeunes talents au sifflet, des places devenant vacantes sous l’effet des rétrogradations. Dans ce cadre, la filière « Jeune Arbitral de la Fédération » (JAF), créée en 1980, vise à faire accéder rapidement de jeunes arbitres en haut de la hiérarchie, permettant de rajeunir l’élite des hommes en noir. Cette politique, qui s’inscrit dans les aspirations de la FIFA, est également celle d’une sportivisation des arbitres d’élite, avec de jeunes directeurs de jeu avec une meilleure condition physique. Le test Cooper, expérimenté par la CCA à la fin des années 1970, devient une épreuve sélective à compter de la saison 1980-1981. Il faut désormais le réussir pour entrer au sein de la Fédération, et le valider chaque année pour y demeurer.
Les années 80 correspondent aussi à l’action importante de l’UNAF pour protéger les hommes en noir. Sa défense des intérêts de l’élite comme de la masse des arbitres aboutit à la mise en place du Statut de l’Arbitre de football le 1er mars 1986, qui situe plus nettement le rôle de l’arbitre et vient notamment fixer ses droits et les devoirs. Ce texte, annexé au Statut de l’Arbitrage, permet de renforcer la protection, la sécurisation et la défense du corps arbitral français. En 1985, à l’initiative de Michel Dailly (Président de l’UNAF à partir de 1984), les représentants du corps arbitral de toutes les disciplines sportives se réunissent au sein de l’Association Française du Corps Arbitral Multisport (AFCAM). Le but de cette association est de fédérer le corps arbitral de différents sports, en vue d’une défense commune de cette activité et de l’obtention de moyens nécessaires à l’exercice de la fonction.
QUINIOU. Médiathèque FFF
Finalement, les années 80 apparaissent comme une période faste pour l’arbitrage français. Alors que Robert Wurtz bénéficie d’une très bonne réputation tout au long des années 1970, de nouveaux directeurs de jeu de l’Hexagone s’imposent sur le devant de la scène. Michel Vautrot, arbitre de la Ligue de Franche-Comté, est notamment le directeur de jeu « bleu-blanc-rouge » emblématique des années 1980. Il est le représentant des arbitres français lors de la Coupe du Monde 1982, organisée en Espagne. La même année, c’est également un arbitre français, l’Alsacien Roger Konrath, qui dirige la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, opposant Aston Villa au Bayern Munich. Michel Vautrot est pour sa part désigné pour la finale de cette prestigieuse compétition en 1986, durant laquelle s’affronte le FC Steaua Bucarest et le FC Barcelone. En 1986, c’est Joël Quiniou qui est appelé à représenter la France lors de la Coupe du Monde organisée au Mexique. La progression fulgurante de ce jeune arbitre parisien le place rapidement parmi les meilleurs arbitres français. L’année 1988 vient ensuite cristalliser la très bonne reconnaissance de l’arbitrage français. Tout d’abord, le lorrain Gérard Biguet, qui représente la France aux Jeux olympiques de Séoul, est désigné pour la finale de cette compétition, entre l’Union Soviétique et le Brésil. La même année, Michel Vautrot est sélectionné pour l’Euro en RFA et se trouve lui aussi désigné pour l’ultime rencontre de ce tournoi, opposant les Pays-Bas à l’URSS. Après cette finale de l’Euro, Michel Vautrot apparaît non plus seulement comme l’un des meilleurs arbitres français, mais également comme l’un des meilleurs directeurs de jeu dans le monde. Il est d’ailleurs désigné meilleur arbitre « international » par l’IFFHS en 1988 et 1989. La reconnaissance de l’arbitrage français est confirmée à l’occasion de la Coupe du Monde 1990 en Italie, pour laquelle Michel Vautrot et Joël Quiniou sont sélectionnés. C’est alors une première, pour la FIFA, de désigner deux arbitres d’un même pays pour une Coupe du Monde. Depuis l’exposition internationale de Robert Wurtz, la période allant de 1975 à 1990 correspond dès lors au premier âge d’or de l’arbitrage français, en termes de représentativité en dehors du territoire national.
Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.