Histoire : l’arbitrage d’hier à aujourd’hui
Partie 2 : Des juges de touche aux… arbitres assistantsDurant les années 80, la fonction de juge de touche se spécialise encore davantage. Si certains arbitres de Ligue exercent jusqu’alors à la touche en Première Division, c’est à partir de la fin de cette décennie que seuls les arbitres « interrégionaux » sont habilités à assumer cette responsabilité. Les arbitres fédéraux sont alors encouragés à prendre cette voie, ce qui permet à certains d’entre eux de monter plus rapidement dans l’élite du football français. La trajectoire de Michel LEBRUN semble à ce titre caractéristique. Ce dernier, originaire de la Ligue du Centre, devient arbitre « interrégional » en 1979 et se spécialise « à la touche » en 1985. Michel LEBRUN remplace l’un des deux juges de touche de Joël QUINIOU, atteint par la limite d’âge. Il passe alors de la quatrième Division à la D1, ce qui l’amène à être confronté à un environnement et une pression médiatique toute autre. Cette bifurcation lui permet notamment d’accompagner Joël QUINIOU lors des finales de la Coupe de France en 1986, 1989 et 1991. Quelques années plus tard, Bernard LAVIS illustre lui aussi cette spécialisation en tant que juge de touche, notamment pour continuer à arbitrer plus longtemps :
« Je suis resté arbitre central jusqu’en 1990. En 1990, j’ai opté définitivement pour juge de touche. Car la limite d’âge approchait. J’avais 43 ans en 1990. Le fait que j’opte pour la fonction de juge de touche me permettait de continuer jusqu’à 47-48 ans, alors que si j’étais resté central, je ne pouvais rester que jusqu’à 45 ans » (Entretien réalisé avec Bernard Lavis).
Après de nombreuses problématiques rencontrées durant la Coupe du Monde 1990 concernant l’utilisation d’arbitres centraux dans le rôle de juge de touche, la FIFA décide de spécialiser davantage cette fonction. La création d’un corps de juges de touche « internationaux » par la FIFA en 1991 s’inscrit dans cette dynamique. À la suite de cette décision, la CCA se voit désormais attribuer la possibilité de désigner sept « juges de touche internationaux », en plus des sept arbitres « internationaux ». La première année, quatre-vingt directeurs de jeu fédéraux postulent alors pour faire partie de ces places très prisées. Des hommes en noir de plus en plus nombreux utilisent dès lors cette voie, qui peut leur permettre d’atteindre le niveau international. Quelques exemples viennent une nouvelle fois illustrer ces changements de trajectoire chez certains arbitres, à l’image notamment de Charly MONNIER. Cet employé de la Poste originaire de la Ligue de Franche-Comté, devenu « interrégional » en 1983, « pré-fédéral » en 1987 et « Fédéral 2 » en 1988, décide de se réorienter à la touche en 1990, afin de continuer à progresser dans l’arbitrage. Il fait partie des sept premiers juges de touche « internationaux » nommés à la fin de l’année 1991. À ce titre, il est sélectionné par la FIFA pour opérer lors des Jeux olympiques de Barcelone de 1992. Il met finalement un terme à sa carrière en 1995.
À partir de la Coupe du Monde 1994 organisée aux États-Unis, les juges de touche internationaux sont ainsi les auxiliaires des arbitres centraux, qui eux, n’assument désormais plus cette mission en parallèle comme autrefois. À travers cette nouvelle politique de la FIFA, c’est une nouvelle fois la spécialisation de la fonction de juge de touche qui est affirmée. D’autant plus qu’en 1996, la dénomination évolue : les « juges de touche » deviennent les « arbitres-assistants ». Cette nouvelle terminologie symbolise la plus grande importance accordée à cette fonction, dont les missions dépassent grandement le contrôle des lignes de touche.
Avec la création de la Direction Technique Nationale de l’Arbitrage en 2001, la spécialisation des « arbitres-assistants » devient encore plus marquée avec la création d’un concours fédéral spécifique pour cette mission. La mise en place d’une « filière assistant » amène de jeunes arbitres à passer du sifflet au drapeau, séduits par la possibilité de gravir les échelons plus rapidement et l’importance des nouvelles responsabilités attribuées aux assesseurs des arbitres centraux. Bernard LAVIS, responsable de cette « cellule assistants », témoigne alors :
« Auparavant, beaucoup d’arbitres centraux, qui n’arrivaient pas à percer, devenaient assesseurs vers l’âge de trente ans pour officier à un échelon supérieur. Aujourd’hui, de nombreux jeunes choisissent cette filière dès le départ » (Entretien réalisé avec Bernard Lavis).
La création de cette filière assistant entraîne dès lors un appel d’air dont les Ligues se saisissent en formant les arbitres qui se sentiraient…sur la touche.
Joël Quiniou accompagné de ses deux juges de touche.
Bernard LAVIS à gauche (Georges Ramos au centre).
Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.