L'ARBITRAGE D'HIER À AUJOURD'HUI
Années 90 : vers des arbitres semi-professionnelsAu cours des années 90, les droits TV de Première Division (ex-Ligue 1) deviennent majoritaires dans le budget des clubs. Les enjeux économiques des rencontres de football sont exponentiellement de plus en plus importants, de telle manière que les décisions des arbitres sont encore plus difficilement acceptées. Après la Coupe du Monde 1990 en Italie, l’arbitrage de la compétition est considéré comme défaillant par la FIFA. Suite à ce Mondial, l’instance s’engage, notamment à travers son Secrétaire Général, Sepp Blatter, dans une professionnalisation de l’arbitrage : « Depuis quinze ans, le football est devenu très athlétique. Des tactiques nouvelles sont apparues. On n’a plus occupé le terrain en entier, mais les joueurs se sont mis à se déplacer très vite, conséquence d’un entraînement quotidien sur tous les plans : physique, technique, tactique, psychologique. Les arbitres, eux, sont restés au même rythme de préparation. Ils se sont un peu améliorés, par la force des choses, mais ils ont beaucoup perdu, par rapport aux joueurs en quinze ans. La différence est visible. Elle est même criarde […] L’arbitre devrait avoir la même préparation que le joueur et avant un match, par exemple, il devrait savoir comment vont jouer les deux équipes. Il devrait également être préparé psychologiquement et se préparer spécifiquement pour son match. Je demande du professionnalisme. » Les commissions nationales d’arbitrage doivent alors s’inscrire dans le « tempo » donné par la FIFA. Parmi ces mesures fortes de professionnalisation de l’arbitrage, elle institue, en 1992, la présence d’un quatrième arbitre officiel dans le cadre des rencontres internationales, afin d’alléger les tâches de l’arbitre central et de ses deux juges de touche (aujourd’hui arbitres assistants). La Commission des arbitres de la FIFA décide également de faire passer progressivement l’âge maximal des arbitres « internationaux » de 50 à 45 ans. En conséquence, plusieurs « internationaux » tricolores se voient retirer leur écusson FIFA, à l’image d’Alain DELMER ou de Michel GIRARD, ayant tous deux 46 ans cette année-là. Par ailleurs, la CCA, dirigée par Michel VAUTROT à partir de 1991, a alors l’obligation de transformer encore plus le système de promotions des hommes en noir, afin que de jeunes arbitres atteignent plus rapidement l’élite du football français. Jeune arbitre de la Fédération en 1988, Philippe KALT arrive par exemple en Première Division en 1994, à l’âge de 25 ans.
La même année, la Commission des arbitres de la FIFA crée une liste de juges de touche « internationaux » afin de reconnaître la spécificité de cette fonction au plus haut niveau. Chaque association doit alors créer un statut spécifique de juge de touche, même si cela est déjà le cas en France. Néanmoins, la création de ce nouveau corps d’internationaux accélère le processus de reconversion de certains arbitres, disposant d’une nouvelle possibilité d’accès à l’élite internationale.
La FIFA prône également une athlétisation des arbitres avec la réalisation de sprints qui accompagnent désormais le test de Cooper. L’évaluation des capacités physiques des arbitres devient de plus en plus régulière et exigeante, les obligeant à s’entraîner très régulièrement.
La CCA amplifie les mesures dans le sens dicté par la FIFA. Par exemple, alors que les arbitres évoluant en Première Division sont évalués huit à dix fois par saison durant les années 1980, ces derniers sont désormais contrôlés sur l’ensemble des rencontres qu’ils dirigent à partir de la saison 1991-1992. Leur classement final annuel dépendant de l’ensemble de ces notations.
Au milieu des années 1990, d’autres évolutions font basculer les arbitres français dans la sphère du semi-professionnalisme. Si les arbitres de Première Division reçoivent une indemnité de 750 francs par match de D1 en 1980-1981, le traitement perçu est de 2 500 francs lors de la saison 1994-1995, puis de 3 600 francs lors de la saison 1995-1996. Pour compenser cette forte augmentation, les arbitres doivent en contrepartie se rendre davantage disponibles : ils doivent désormais assister à trois stages communs (deux auparavant), pour tendre vers toujours plus d’uniformité dans l’interprétation des Lois du jeu. La professionnalisation est alors en marche…
Philippe KALT, Michel GIRARD et Alain DELMER
Alexandre Joly est un historien du sport. Il a soutenu une thèse en 2021 portant sur l’histoire des arbitres dans le football professionnel français durant le XXe siècle.